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Du port de Saint-Pierre au port de Miquelon en kayak

En longeant les 3 grandes îles de l’archipel, Saint-Pierre, Langlade et Miquelon, nous avons profité de paysages côtiers variés. Alors que nous sommes dans la belle période, encore estivale début septembre, nous avons dû attendre le bon créneau pour prendre le départ.

Entre le Goulet et la Pointe aux Alouettes, beaux jours de septembre

Après le 15 août, on peut avoir des « coups de vent » comme on dit ici, c’est-à-dire des cyclones venant du sud. Après le passage du cyclone Larry sur les côtes Est de Terre-Neuve, nous avons quitté le port de Saint-Pierre le 15 septembre, pour arriver le 18 au port de Miquelon.

Itinéraire

Ce trajet représente 28 MN, soit 2 bonnes journées de pagaie, le retour peut se faire en 1h30 en ferry.

Itinéraire du port de Saint-Pierre au port de Miquelon. Fond de carte Géoportail

Vouloir le faire en 2 jours c’est possible mais c’est difficile d’avoir un bon créneau météo sur 2 jours consécutifs. Et c’est dommage de passer trop vite sans goûter véritablement aux lieux.

Ici il vaut mieux avoir du temps, partir et composer avec la météo, s’arrêter s’il le faut. Septembre est favorable car les températures sont encore clémentes (air entre 15 et 19°, mer autour de 15°) et le vent modéré.

Traversée vers Langlade

Langlade

Partis du port de Saint-Pierre, nous effectuons la traversée de la Baie (entre Saint Pierre et Langlade) depuis le Grand Colombier. Les nombreux alcidés qui nous accompagnaient en juin ont désormais déserté les lieux, partis hiverner en plein océan.

Cette traversée nous mène au pied des superbes falaises de Langlade et nous poursuivons pour passer à travers le majestueux Cap Percé.

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Le Cap Percé, une fabuleuse arche qui fait passer dans un autre monde

Sur les rochers, des phoques gris se reposent et se réchauffent.

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Phoques au reposoir sur les schistes gris et rouges de la Pointe du Cap Percé

Dès que l’on vire le Cap Percé, on pénètre dans la grande Anse aux Soldats, particulièrement protégée de la houle et du vent d’ouest. La météo nous annonce pluie et vent 30-40 nds (6-7 Bft) ouest pour le lendemain, nous montons le campement pour rester à terre.

L’Anse aux Soldats, havre de paix pour une baignade et un bivouac prolongé

Pour passer une journée pluvieuse entière à terre, nous avons ressorti le tipi acheté pour la Norvège, si pratique pour les jours de pluie. L’anse abrite quelques cabanes à l’embouchure d’un ruisseau qui sera notre source d’eau potable.

La mer, le feu, le coucher de soleil, la sérénité du bivouac

« Pour réussir un bivouac, il faut un sol confortable, un silence épais et, en toile de fond, un décor grandiose » Sylvain TESSON.

Notre nuit est bercée par les vocalises des bien nommés « loups marins », les phoques gris. Il faut souligner que des chercheurs écossais de l’université de St Andrews ont réussi à faire reproduire des vocalisations humaines à des phoques gris captifs et entraînés.

Journée à terre, balade sur le plateau
Lever de soleil au Cap Percé à 7h31

Retour du beau temps, c’est l’heure de mettre le cap sur Miquelon ! Avant de partir, nous faisons le plein d’eau douce car le secteur à venir est dépourvu de sources.

Isthme et Grand Barachois

L’Isthme, un cordon vital entre les 2 îles

Changement de décor, nous traversons la baie sur un axe parallèle à l’isthme qui relie Langlade à Miquelon. Ce long cordon de sable de 12 kms aboutit au goulet du Grand Barachois. Il s’agit d’une grande lagune peu profonde où découvrent, à marée basse, des grands bancs de sable.

Vue sur le Grand Barachois

Trait d’union stratégique entre les deux îles, l’isthme composé de plages et de dunes est cependant menacé par l’élévation du niveau de la mer couplée à une augmentation de la puissance des vents. Une route repose sur l’isthme pour relier les 2 îles, elle est régulièrement confrontée aux assauts de la mer.

Dunes et plages offrent une ambiance qui tranche avec les décors rocheux de l’archipel

La partie nord du goulet du Grand Barachois est difficile d’accès par la voie terrestre, nous voulons en profiter pour visiter le secteur à pied.

Au niveau du goulet, les nombreux limicoles viennent se regrouper sur les dortoirs, à marée haute. Par basse mer, ils se nourrissent activement sur les vasières du Grand Barachois. Une pause qui leur permet de reconstituer leur réserve de graisse avant de continuer leur longue migration vers leurs quartiers d’hivernage en Amérique centrale ou du sud.

Bécasseau sanderling

Notre cheminement sur la plage nous amène au bord du Grand Barachois où nous pouvons observer les phoques au repos sur les bancs de sable.

Phoques gris et communs au repos dans le Grand Barachois

Cette lagune est autorisée à la navigation, il faut cependant être prudent pour y pénétrer en cas de houle. Elle déferle sur les bancs sableux et mobiles, présents en sortie du goulet, en rendant ainsi l’accès périlleux. Nous l’explorerons une autre fois, pour l’heure notre objectif est d’atteindre le port de Miquelon.

Phoques gris en groupes serrés

Miquelon

Nos deux traversées effectuées, nous naviguerons maintenant en côtier jusqu’au port de Miquelon. La journée du lendemain nous promet un vent O/SO soutenu à 5-6 Bft, la mer sera agitée, nous décidons donc d’aller bivouaquer derrière la Pointe aux Alouettes.

La pointe en elle-même n’offre pas de lieu accostable en kayak, elle est trop rocheuse, nous poursuivons un peu plus loin en direction du Cap Vert. Au niveau des Collines noires la grève se montre un peu moins inhospitalière aux kayaks chargés. La grève n’est pas très large pour poser la tente mais nous n’avons pas le choix, en plus elle est bien abritée sous un talus.

Grève des Collines noires. Le feu, la lune, et bientôt les étoiles

Le soir, alors que les coefficients de marée sont montants, nous attendons la pleine mer pour pouvoir aller dormir l’esprit tranquille ! Nous profitons de cette paisible soirée alors qu’une dégradation est prévue le lendemain, il fait beau un jour sur deux !

Anse de Belliveau

Dès le matin le vent attendu est bien là, il va nous pousser jusqu’à Belliveau et la navigation en vent arrière à 5 beaufort s’avère être des plus stimulante !

Kayak à voile à la Pointe de Belliveau

C’est ainsi que nous allons parcourir 8 MN quasiment sans pagayer. En effet nos voiles nous poussent fort, si bien que la pagaie nous sert plus à faire gouvernail qu’à propulser.

Longue nav en vent arrière, pour le plaisir de la glisse et avaler des milles sans se fatiguer !

Le temps est gris et humide nous continuons à filer. Nous dépassons l’Etang de Mirande pour faire une pause pique-nique à la Pointe du Chapeau. La météo ne s’améliore pas le lendemain, le vent va passer à l’Est alors que nous aurions aimé explorer le Cap de Miquelon. Nous décidons de mettre un terme à notre randonnée en nous mettant à l’abri au port de Miquelon que nous atteignons en début d’après-midi.

Port de Miquelon

Nous attendrons le ferry du lendemain pour rentrer à Saint-Pierre avec les kayaks sur le pont.

Conclusion

Les vents dominants étant sud-ouest, la façade Est de l’archipel est globalement protégée et permet d’envisager des navigations itinérantes. « Si le temps le permet », comme on dit ici, en effet la météo très changeante oblige à s’adapter en permanence aux conditions et ne permet qu’exceptionnellement de naviguer plusieurs jours d’affilée.

Paysages dunaires de l’Isthme, la mer a figé ses lames dans le sable