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Terre-Neuve, Port au Choix : terre de caribous

Les bonnes raisons d’une visite sur ce site unique ne manquent pas, que ce soit pour le kayakiste ou le naturaliste, mais pas seulement !

Rencontre avec le kayakiste au harpon (haut de plage) à Phillip’s Garden

Introduction

Après nos explorations au nord-est de Terre-Neuve, nous partons à la découverte de la Grande péninsule nord qui borde le détroit de Belle Isle, porte d’entrée du Golfe du Saint-Laurent.

Harde de caribous à Point Riche

Nous avons eu l’opportunité de parcourir 3 sites en kayak de mer en septembre 2022 : Port au Choix, Conche, et Quirpon (Anse aux Meadows). A plus de 900 kms par la route depuis Saint-Pierre-et-Miquelon, nous atteignons notre première zone de navigation : Port au Choix.

Carte umap, itinéraires sur la Grande péninsule nord de Terre-Neuve

Port au Choix, lieu historique national canadien

Il porte en son sol les traces d’occupation de plusieurs civilisations qui s’y sont succédé depuis 5500 ans : autochtones de l’Archaïque maritime, paléo-esquimaux du Groswater puis du Dorset, et Béothuks.

Mise à l’eau sur de grandes dalles calcaires polies

Enfin ce sont les européens qui ont fait leur apparition sur ces côtes, avec les basques, venus chasser la baleine, dès le 16ème siècle. Le nom de « Port au Choix » provient du basque « Portuichoa » qui signifie petit port. Puis du 18ème à la fin du 19ème siècle, les bretons et normands s’établissent sur la portion de côte dénommée le « French shore » pour y pêcher la morue.

Aujourd’hui les habitants descendent des colons anglo-irlandais principalement, mais aussi des amérindiens de culture Innue, Mi’kmak et Innuite.

Tour de la presqu’île de Port au Choix

Une journée suffit pour faire le tour de la presqu’île. Le 14 septembre 2022, le temps est particulièrement calme et ensoleillé pour s’engager sereinement sur ce parcours de 9 milles nautiques.

Carte umap, itinéraire du tour de la presqu’île de Port au Choix

Nous mettons les kayaks à l’eau sous le camping « ocean side RV Park » en chariotant sur les grandes dalles calcaires. L’ambiance est calme et ensoleillée, la mer d’huile.

En approchant du phare de Point Riche nous détectons la harde de caribous, encore couchés, en bord de mer. Un débarquement sur les grandes dalles calcaires nous permet de passer un magnifique moment en leur compagnie.

Caribous en période de chute des velours des bois

La harde de caribous

Port au Choix possède un atout qui attire touristes et naturalistes : cette harde de caribous est très coopérative ! Forte d’une quinzaine d’individus, la harde est facile à observer. Ils se tiennent la majeure partie de l’année à proximité du phare de Point Riche, ou tout au moins sur la péninsule. Autant dire que c’est la destination sûre pour l’observation de l’espèce sur Terre-Neuve.

Caribous mâles

Deux grands mâles avec leurs bois rougis par la perte du velours commencent à se taquiner, prémices du rut à venir. Ils avancent sur de très larges sabots, adaptation leur procurant une meilleure portance sur la neige.

Ils paissent paisiblement sur les landes rases calcaires.

Les landes rases calcaires (limestone barrens)

Les landes rases calcaires tapissent les sols

Les formations calcaires sont bien représentées sur la péninsule nord de Terre Neuve mais la majorité est boisée, en revanche les zones de landes rases, dénommées « barrens » sont rares et menacées (extraction de granulats, circulation de quads et véhicules 4×4).

Ces « barrens » sont bien représentées à Port au Choix, elles recèlent une richesse botanique unique, avec notamment trois endémiques strictes : la Braya de Fernald (Braya fernaldii), la Braya de Long (Braya longii) et le Saule des barrens (Salix jejuna).

Point Riche

Nous passons sous le phare de Point Riche où des dalles calcaires s’avancent en mer.

Phare de Point Riche au bout de la presqu’île

Elles se superposent de plus en plus, créant du relief.

Belles superpositions de strates calcaires

Nous faisons halte pour admirer des sculptures monumentales disposées en haut de plage : elles représentent un chasseur inuit en kayak ainsi que deux chasseurs de phoque et leur capture.

Sculpture du kayak

Ces magnifiques sculptures, à peine visibles dans le paysage, ont été réalisées en fer à béton par l’artiste Jim Maunder.

Sculpture des chasseurs de phoque

Les paléo-esquimaux du Dorset

Les paléo-esquimaux du Dorset occupaient la plus grande partie de l’Arctique canadien et du Groenland, Terre-Neuve étant la limite méridionale. Venus du Groenland, par Le Labrador, ils chassaient le phoque et en particulier le phoque du Groenland.

Le site paléo-esquimau dorsétien de Point Riche a été occupé entre 200 et 600 ans ap. JC. La présence d’au moins 18 habitations recensées ici serait associée aux vestiges de la plage de Phillip’s Garden à partir de laquelle les phoques étaient chassés.

Sculpture de la mère et de l’enfant (peau de phoque tendue pour sécher)

Point Riche était un site de campement estival. L’air frais et le vent éloignent les moustiques l’été, rendant le site confortable pour les hommes, comme pour les caribous.

La disparition des paléo-esquimaux du Dorset a laissé place au peuple de Thulé, ancêtre des Inuits contemporains.

Phoque du Groenland (Pagophilus groenlandicus)

Le phoque du Groenland (photographié à Miquelon) et sa robe typique

La population mondiale est estimée à 8 millions d’individus. En été, cette espèce fréquente les mers froides de la terre de Baffin à la Sibérie, puis les animaux se concentrent (fin février-mi mars) sur quelques zones de banquise pour y mettre bas. De grandes troupes transitent alors par le détroit de Belle Isle pour rejoindre le Golfe du Saint Laurent.

En gris foncé la zone de présence de l’espèce, en jaune les secteurs de mise-bas.

Les femelles se retrouvent alors par milliers pour donner naissance à un seul petit. Le blanchon est allaité durant 12 jours puis livré à lui-même. Il va rester ainsi 6 semaines, avant de rejoindre l’océan, ayant alors perdu la moitié de son poids. Pendant ce laps de temps, les adultes s’accouplent et muent.

Ensuite les phoques se dispersent à nouveau dans la zone arctique, suivant la fonte de la banquise vers le nord. Durant ces migrations, cette espèce pélagique parcourt jusqu’à 5000 kms.

Sortie de l’anse Barbace

Le phoque du Groenland est très sensible au réchauffement climatique. Les années de banquise fragile ou inexistante ont vu de véritables hécatombes de blanchons, voire des reproductions nulles, dans le Golfe du Saint Laurent.

Encore aujourd’hui, le phoque est chassé et consommé dans la région. La peau est largement utilisée pour la confection de vêtements, chaussures et maroquinerie que l’on trouve dans les commerces locaux.

L’anse Barbace

La très vaste anse Barbace au nord nous offre une pause très abritée créant une forte chaleur sur la grève. Ce sera l’occasion de notre dernier bain de la saison !

Nous finissons de virer la presqu’île. Tout du long nous avons observé des bancs de maquereaux qui frayent en surface, souvent bousculés par des chasses de thons dont on voit les dorsales émerger subitement.

Vue sur les monts Long Range en virant le nord de la péninsule

Le parcours se termine dans le port de pêche, l’un des plus actifs de la péninsule nord. Avec sa multitude de bateaux multicolores, Port au Choix offre de belles ambiances sous un ciel lumineux. Une petite usine de transformation conditionne les crevettes pêchées dans la région (En). L’espèce récoltée est la crevette nordique du canada (Pandalus borealis).

Bateaux de pêche à Port au Choix

En savoir plus

Le phare de Point Riche, le rendez-vous « sundown » des habitants

A suivre : Terre-Neuve, Conche : au cœur du French shore