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Le Faucon d’Éléonore

Lors de nos randonnées en kayak de mer en Sardaigne, nous avons fait de belles observations de Faucon d’Éléonore. D’abord au printemps dans les falaises du Golfe d’Orosei, puis à l’automne sur l’Isola San Pietro.

Texte et photos : Laurent Malthieux

S’il est bien une espèce aviaire emblématique des îles méditerranéennes, c’est le Faucon d’Éléonore (Falco eleonorae).
Ce magnifique faucon affiche des dimensions similaires au célèbre Faucon pèlerin. Cependant l’Éléonore n’a absolument rien à envier à ce dernier tant il est fin et élégant.

Le Faucon d’Éléonore, un rapace toujours en mouvement

Sa longue queue et ses ailes effilées lui permettent de se comporter en as de la voltige, il est capable de piqués et de ressources à grande vitesse.

En période de reproduction dans les falaises côtières, il est assez loquace et anime le parcours du kayakiste.

Un rapace, deux formes distinctes

Le faucon d’Éléonore présente deux variations de plumages appelées formes, claire ou sombre.
Les oiseaux de la forme sombre présentent un plumage entièrement noir/marron foncé sur lequel ressort particulièrement bien la cire jaune du bec, des yeux et des serres.

Adultes de forme sombre. San Pietro.
Faucon d’Éléonore, forme sombre. Photo Michele Mendi
Adulte de forme claire. San Pietro.
Adulte et immature de forme claire. Photo : Bruno Berthemy

Les jeunes de l’année arborent un plumage sombre sale et peu moucheté, ainsi que la cire du bec et des yeux de couleur bleue.

Jeune volant, San Pietro.

Un nom de princesse

Ce faucon fut baptisé ainsi par le général de la Marmora, ornithologue reconnu, en hommage à la princesse sarde Eleonore d’Arborée (Eleonora de arborea (1350-1404)).
Sensible à ces beaux volatiles, elle intégra dans sa Carta de Logu, premier code civil de ce type en Europe qui resta en vigueur jusqu’en 1827, les premières lois en faveur de la protection des rapaces.

Les colonies en Sardaigne

Après celle du Golfe d’Orosei, les colonies des îles San Pietro-San Antioco-isola del Toro forment le second noyau d’Éléonores nicheurs de la Sardaigne, avec près de 200 couples.

Distribution des colonies en zone Méditerranéenne

Les Faucons d’Éléonore rejoignent leurs colonies de reproduction vers la fin du mois de mai. A leur retour, ils vagabondent largement autour des sites de reproduction (jusqu’à 20 kilomètres), se nourrissant principalement d’insectes et d’oiseaux.

Nous avons eu la chance d’assister à leurs superbes chasses, mi juin à côté de Calasetta, sur l’île de San Antioco. Ce soir là, plusieurs Éléonores ratissaient la lisière de la plage pour attraper des hannetons communs qui émergeaient par centaines des ourlets de dune. Les faucons les saisissaient et les dégustaient en vol au dessus de la plage.

Un habitat en cavité

Les couples de faucons sont assez étalés sur la côte, les secteurs comportant le plus de cavités favorables regroupent une ou deux petites dizaines de couples.
Sur San Pietro, ils recherchent particulièrement des cavités rondes en falaise dont le fond est tapissé de sable, les œufs sont pondus directement sur le substrat, sans aucun apport de matériaux.
Ce type d’habitat est assez rare mais surtout présent au Capo Sandalo, c’est d’ailleurs là que se trouve la plus grosse partie de la colonie.

Au pied des falaises à Faucons d’Éléonore, Capo rosso, San Pietro.

Observations en kayak

Sur l’isola San Pietro, le kayakiste trouvera les premiers faucons dès la Punta delle oche (au nord) et les derniers vers la Punta dei cannoni (au SO), cependant le plus beau spectacle se tient sur la côte ouest, du Capo Sandalo à la Punta del capodolio.

On le repère quand il décolle de la falaise

Une bonne option consiste aussi à débarquer, si possible à la Cala Fico. En haut de la grève se tient, de juillet à septembre, un petit camp d’ornithologues accueillant les visiteurs et effectuant des visites de la réserve. Ils veillent aussi à la tranquillité des faucons nicheurs. Plus d’informations sur la réserve de San Pietro : LIPU Carloforte Nature Reserve et Birdwatching on the Isola di San Pietro.
En poussant jusqu’à la Punta di capo rosso, vous aurez de belles possibilités d’observation des faucons.

Enfin, sur l’Isola San Antioco, les Éléonores sont bien plus rares.

Une reproduction originale

Les parades nuptiales s’effectuent en petits groupes bruyants, puis la femelle pond 2 à 4 œufs fin juillet. Après un mois d’incubation, durant lequel la femelle est nourrie par le mâle qui s’éloigne parfois sensiblement de la colonie pour chasser, les jeunes naissent ; ils passeront un mois à l’aire.
Grâce à cette reproduction décalée, les Éléonores profitent du passage de fin d’été des passereaux migrateurs pour pouvoir nourrir leurs jeunes. De même ceux-ci, durant leur période d’apprentissage, vont pouvoir bénéficier du plein afflux de passereaux migrateurs harassés longeant les côtes, dans leur migration d’automne vers l’Afrique.

Faucon de forme claire sur le site de reproduction

La migration vers Madagascar

Jusqu’à un passé assez récent, la destination hivernale de ces faucons migrateurs était une inconnue. En 2008, des ornithologues équipèrent 13 faucons de la colonie de San pietro et Isola del Toro d’émetteurs Argos.
Les résultats, renforcés par des études menées ensuite par des espagnols (18 faucons marqués aux Baléares en 2009/2010), montrèrent qu’après un long périple à travers l’Afrique de l’Est, les faucons allaient hiverner sur les côtes au NO de Madagascar. Soit un périple de 9500 kilomètres, effectué de jour comme de nuit, en traversant le Sahara et la forêt équatoriale!
Au retour certains individus se sont même payés le luxe de survoler l’océan indien sur 1500 kilomètres….

Trajets migratoires d’automne des faucons sardes
Trajets migratoires printaniers des faucons sardes

Conclusion

Le Faucon d’Éléonore ne se reproduisant pas sur les côtes françaises, la Sardaigne est un lieu privilégié pour l’observer. Le kayakiste, en longeant les falaises côtières, se trouve au plus près des colonies. La période idéale est septembre car les jeunes sont volants, l’activité est intense, sans que l’on dérange les colonies.