
C’est sur cette île imposante que des centaines de milliers d’oiseaux de mer viennent se reproduire chaque année en colonies : guillemots, pingouins, macareux et autres espèces que cet article vous propose de découvrir.
Situation
Le Grand Colombier est une « île montagne » qui culmine à 160 m. Longue de 1400 m et large de 600 m, elle est située peu après le port de Saint-Pierre, sur la route maritime très fréquentée de Langlade et Miquelon.

Difficile à aborder, ses côtes accores n’offrent qu’une étroite anse de galets que l’on ne peut approcher qu’à marée basse et sans houle. Sinon, il faut se débrouiller pour débarquer sur les rochers ! C’est ainsi que l’île se préserve des intrus, sans mesure de protection particulière.

Tout le pourtour de l’île est tapissé d’algues, qui baignent dans des eaux cristallines, que l’on peut admirer les jours ensoleillés et sans vent. Les laminaires forment des guirlandes qui sont une pouponnière à alevins et crevettes.
Le décor est planté, nous sommes au royaume des oiseaux, passons ensemble une saison au Grand Colombier, au rythme de ses colonies.
Une saison de nidification
En mars/avril : rassemblements en radeaux
Dès le mois de mars les premiers oiseaux nicheurs reviennent autour de l’île. Dans les dix premiers jours de mars ce sont les mouettes tridactyles qui ouvrent le bal.

Elles sont suivies de près, mi-mars, par les pingouins tordas. Levons de suite un quiproquo sur le mot « pingouin ». Il est courant d’utiliser par erreur le mot pingouin pour désigner les manchots de l’hémisphère sud, confusion renforcée par le fait que les anglophones nomment le manchot : « penguin ».
Le seul vrai pingouin vit dans l’hémisphère nord, c’est le pingouin torda ou petit pingouin, son cousin le grand pingouin (incapable de voler) ayant été définitivement anéanti par l’homme en 1844.

Début avril, les guillemots de Troïl (les canadiens francophones l’appellent le guillemot marmette) arrivent en masse.

Les macareux moines se joignent à la fête dans les jours d’après.

Les pingouins, guillemots et macareux sont des alcidés, oiseaux plongeurs qui se propulsent sous l’eau grâce à leurs ailes. Exclusivement marins, ils ont une répartition circumpolaire (océans de l’hémisphère Nord).
Dans un premier temps, les alcidés restent en radeaux immenses autour de l’île, puis, petit à petit, ils effectuent de plus longs et plus fréquents séjours à terre.

Mi-mai : début de la nidification
C’est à partir de la mi-mai que les oiseaux sont bien installés et commencent leur nidification. Les oiseaux s’accouplent à terre, à proximité immédiate de leur site de nidification, le macareux faisant exception en s’accouplant sur l’eau.
Les derniers alcidés à investir l’île sont les guillemots à miroir, qui nichent en petites colonies lâches dans les fissures de rochers au bord de l’eau.

Les habitants du Colombier les plus discrets, bien que les plus nombreux, sont sans conteste les océanites cul-blanc. Ces petits oiseaux pélagiques ne reviennent à terre que pour nicher dans un étroit terrier. Très vulnérables à la prédation, ils n’atterrissent qu’une fois la nuit bien tombée. Ce sont les derniers à se réinstaller, courant mai. D’après une estimation réalisée en 2008, l’île abritait environ 350 000 couples nicheurs. Leur concert nocturne est juste incomparable.
Prédation
Si les oiseaux de mer choisissent des îles ou îlots isolés pour y effectuer leur reproduction, c’est parce qu’ils y sont à l’abri des prédateurs terrestres. Généralement ces îles sont dépourvues de petits carnivores terrestres (renard ou autres mustélidés). Les rats surmulots, grands prédateurs des œufs ou des poussins, parfois introduits par l’homme, en sont aussi absents.
Au Grand Colombier, ni renard, ni chat, ni rat surmulot. Les seuls prédateurs que peuvent redouter les oiseaux sont ailés : goélands, grands corbeaux, pygargue à tête blanche.
Répartition des espèces sur le site
Chaque espèce occupe une niche écologique, tant du point de vue alimentaire que pour le site de nidification. Les macareux affectionnent les versants herbeux escarpés, mais pas trop rocheux, avec suffisamment de sol pour creuser le terrier.

Les grosses colonies sont implantées sur le versant ouest. Le grand colombier abrite plusieurs milliers de couples nicheurs.

Les pingouins tordas et guillemots recherchent les zones rocheuses et les falaises.
Les tordas et guillemots à miroir nichent sous les blocs ou dans les fissures de rochers, par unités ou en petits nombres bien répartis.
Les guillemots de Troïl aiment s’agglutiner en colonie bien denses, dans de grandes fissures ou sous les gros blocs dans les éboulis.

Le gros œuf bleu tacheté du guillemot de Troïl, pondu directement sur le sol ou le rocher, est en forme de poire afin de lui éviter de rouler hors du « nid ». La couvaison est longue (1 mois) chez ces espèces peu productives (1 jeune par an au mieux) et longévives, en revanche les jeunes quittent le nid au bout de 3 semaines.
Le nombre de couples nicheurs se situe autour de 1500 pour le torda et 10 000 pour le guillemot de Troïl.
Les grands cormorans choisissent des zones difficiles d’accès. Sur le versant nord, les escarpements rocheux abritent une belle colonie.

La mouette tridactyle aime nicher juste au dessus et au ras de l’eau sur des parois verticales. La principale colonie se situe dans la grande falaise à l’est, au dessus de l’eau. Le total de couple nicheurs avoisine les 400.

Enfin les centaines de milliers d’océanites cul-blanc occupent les parties hautes des versants et le sommet. Les terriers sont dissimulés au sein des épaisses frondaisons de l’osmonde cannelle.

Nourrissage des jeunes

Tout ce beau monde effectue des va-et-vient incessants entre les zones de pêche, parfois bien éloignées, et l’île. Ces déplacements concernent les adultes qui se relaient, d’abord pour l’incubation, puis pour nourrir le jeune affamé. Du coup ce sont des guirlandes continues d’alcidés que l’on peut voir quitter ou revenir sur le site, surtout en début et fin de journée.

Toutes ces espèces vont rechercher les petits poissons fourrages : lançons, capelans, sprats, maquereaux, calamars, etc…..

Juillet : les départs s’amorcent
Dès la fin juillet, les départs vont commencer à s’échelonner : d’abord les guillemots, tordas et tridactyles. Puis les macareux à la fin août.
Chez tous les alcidés les adultes coupent les vivres à leurs jeunes afin de les pousser à rejoindre l’eau.

Les jeunes s’élancent des falaises ou des rochers sans être complètement emplumés. Ces départs ont toujours lieu de nuit afin d’éviter la prédation. Ils finiront leur croissance en mer, sur les zones d’alimentation, nourris par les adultes. L’hiver les verra errer en haute mer dans tout l’Atlantique. Le Grand Colombier est alors complètement déserté.

Conclusion
Tout au long d’une saison au Grand Colombier, le spectacle est en perpétuelle évolution, au rythme du processus de nidification. Tous les sens sont sollicités, par les nuées d’oiseaux en vol, par les bruits et les odeurs des colonies, par l’ambiance marine sauvage.

Une virée autour de cette île, c’est chaque fois différent, c’est chaque fois beaucoup d’émotions. C’est le « magique Grand Colombier » !
Pour en savoir plus
- Lire L’histoire du Grand Colombier. Nous avons remarqué que nos compas prennent une forte inclinaison quand nous naviguons dans cette zone, nous ne sommes pas seuls à avoir remarqué des anomalies magnétiques et au xxe siècle, des recherches géologiques et minières ont été menées.

