Fin du voyage dans un village
C’est la fin du voyage, nous venons de rendre nos kayaks dans le petit village de Tiniteqilaaq. Nous avons trouvé un hébergement pour la nuit, in « The service house ».
Dans chaque village, il y a ainsi une « maison commune », elle sert d’hébergement de passage, ici 4 lits sont superposés dans une pièce minuscule. Il y a aussi une salle avec des machines à laver le linge utilisées par les habitants et une cuisine. Le va et vient est permanent dans ce lieu, en particulier fréquenté par les femmes et les jeunes.
Tiniteqilaaq est perché sur « l’ice fjord »
On est en début d’après-midi et on ne repartira que le lendemain matin par bateau. C’est inespéré, j’ai devant moi des heures pour flâner dans le village. Je laisse mes co-équipiers à leurs douches, lessives et nettoyages divers, peu m’importe de ne pas arriver « nickel » à Paris, je m’évade pour quelques heures de liberté.
Tiniteqilaaq en bordure du Sermilik, « l’ice fjord »
La rencontre
Instinctivement je redescend vers le port, c’est le lieu de vie du village. A peine arrivée sur la grève, un homme y débarque quatre phoques de son bateau à moteur, aux pieds de sa femme qui l’attend. Armée de son couteau groenlandais, le ulu, elle va dépecer lentement un à un ces phoques à même le sol.
Le dépeçage des phoques
Minutieusement, sans rien perdre, ni rien abimer, avec respect de la bête, elle a décollé la peau intégralement.
D’abord en pratiquant une incision sur tout le ventre, puis en coupant, avec le ulu, dans la couche de graisse.
Dora découpe la peau avec son ulu, le couteau des femmes groenlandaises
La forme trapézoïdale du ulu est typique du Groenland Est
Il lui faudra deux heures pour arriver au bout de ce travail minutieux. Les peaux ainsi décollées sont rincées dans l’eau de mer. J’en saisi une pour les aider, j’ai les mains pleines de graisse, je comprends comment ils se protègent naturellement alors que nous devons nous enrober de produits gras, type vaseline.
Ouh que cette peau grise tachetée de noir est lourde, mon soupir fait rire le couple.
Auparavant j’ai partagé avec eux quelques gâteaux de provenance danoise que je venais d’acheter dans le magasin du village. Le contact est installé entre nous.
Retour au cœur du village
Les peaux, placées dans une grande bassine, sont chargées dans la brouette. L’homme, malicieux, me met à contribution en attachant une cordelette sur le devant de la brouette pour que je tracte pendant qu’il pousse. Il faut gravir dans ces villages groenlandais pour atteindre les maisons sur les hauteurs.
Au centre du village, nous arrivons dans une salle commune adossée à la « service house ». La salle partagée par les villageois sert au nettoyage des peaux.
La peau est tendue pour être dégraissée
Un travail précis et délicat
La femme se saisit d’une première peau qu’elle étale sur une pièce en bois spécialement conçue. Elle tend la peau et en détache toute la graisse qui y est encore accrochée, minutieusement avec le ulu, sans jamais pratiquer d’entailles.
Elle ne me laissera pas essayer, de peur que je n’abîme ces belles peaux. Pour m’expliquer, Otto me dit qu’il a acheté ces phoques, ils proviennent de Qaqortoq dans le sud-ouest du Groenland. Il les a payé chacun 450 couronnes danoises, soit environ 65 euros.
Dora a encore passé 2 heures sur ces 4 peaux pour les dégraisser finement. Voilà comment nous avons passé l’après-midi ensemble. Les phoques dépecés ont été remis à l’eau, tout nus, attachés ensemble au mouillage du bateau.
Je ne sais pas quelle est la suite des opérations pour la viande et les viscères. Ces derniers sont peut-être pour les chiens. La viande, on la voit sécher en grosses pièces à l’extérieur, en hauteur près des maisons.
Le ragoût de phoque
D’ailleurs je suis invitée à venir manger du phoque ce soir. J’en parle à mes compagnons mais aucun n’est intéressé pour m’accompagner. Moi j’en rêve depuis le début du séjour, goûter au plat national, et chez des groenlandais!
A suivre… je vous emmène prochainement diner chez Otto et Dora… 😉